Il n’y a plus qu’en bio que les vaches vont au pré

L’image des vaches laitières au pré, qui « pâturent », est parfois vue comme rare, voire réservée à l’agriculture biologique. Est-ce vraiment le cas ? Est-il vrai que seuls les éleveurs laitiers en bio utilisent le pâturage ?

Sauvons la Biodiversité : « Aucune garantie sur la surface en herbe ? Le lait français, local ne donne aucune assurance sur l’accès au pâturage et la surface en herbe . Préférez le bio et le lait de pâturage »

Lucien Tanghe : « C’est juste incroyable ! Ce n’est pas parce que les technocrates ne savent pas faire la différence entre un lait produit dans un pâturage français et un lait produit je ne sais où dans des conditions plus que douteuses. Que l’on doit subir ce genre d’âneries. »

Dans le cahier des charges de l’agriculture biologique [1], le pâturage* est obligatoire. Mais cela ne signifie pas qu’il est exclusivement réservé à ce cadre : selon l’état des lieux sur les vaches laitières* mené par le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel), 92 % des vaches françaises, bio et non bios, avaient accès à des prairies en 2016. Plus encore, 87 % d’entre elles sont dehors plus de 170 jours par an. L’absence de pâturage* ne représentant que 7 % des exploitations laitières.

Toutefois, la pratique du pâturage est en baisse depuis le milieu du XXème siècle. Cela s’explique par une demande de productivité laitière plus importante, à laquelle ont répondu les éleveurs par l’apport en céréales, rapporte l’analyse sur les exploitations autonomes menée par le centre d’études et de prospective du ministère de l’agriculture et de l’alimentation en août 2018.

En effet, le bétail donnera davantage de lait en se nourrissant en majorité de maïs et de tourteau*, qu’avec de l’herbe. Ainsi, selon l’état des lieux du Cniel : « Entre 2008 et 2016, une baisse de 11 % (de 71 à 60 %) du nombre de vaches qui pâturent de manière significative est observée (celles qui ont au-delà de 20 ares d’herbe par vaches). Au contraire, le nombre de vaches qui ont moins de 10 ares d’herbe sont passées de 12 à 20 %. »  

Mais l’agriculture en revient peu à peu : davantage de cahiers des charges, en dehors de celui de l’agriculture biologique, incluent le nombre de jours durant lesquels les vaches sont au pâturage* comme critère de sélection des exploitations productrices. C’est le cas par exemple de certains fromages AOP (Appellation d’origine protégée). Pour la production de la Fourme d’Ambert AOP, non seulement le pâturage est obligatoire, mais il doit durer plus de 150 jours par an [3]. De plus, un consensus sur le bien-être des vaches et l’accès au pâturage [4] a été signé entre des ONG environnementales et l’interprofession du lait.

À quoi sert le pâturage ?

Le pâturage a déjà une utilité alimentaire : grâce à l’herbe fraîche, « il permet d’aller chercher une nourriture équilibrée pour la vache. C’est la façon la plus économe possible de la nourrir », explique à DecodAgri David Falaise du réseau Civam*. Le pâturage* sert également au bien-être des vaches puisqu’elles ont plus d’espace. Il joue aussi un rôle économique pour l’éleveur : « la vache remplace le tracteur : elle récolte la culture directement et elle épand les bouses », souligne David Falaise.

Il existe deux formes de pâtures* : d’un côté les prairies dites permanentes, c’est-à-dire, celles sur lesquelles il n’y a jamais de cultures, et les prairies dites temporaires. Sur ces dernières, les éleveurs sèment et donc « choisissent » les mélanges de graminées* et de légumineuses* qui constitueront l’herbe disponible.

Pour les fermes laitières, elles disposent en moyenne de 37 hectares de surfaces toujours en herbe ou prairies permanentes, auxquels s’ajoutent 19 hectares de prairies temporaires, selon l’étude du Cniel. Les vaches se déplacent sur plusieurs grandes zones définies du pâturage* afin de permettre la repousse de l’herbe entre deux passages. Ce pâturage tournant permet de faire durer le pâturage plusieurs mois, en fonction de la taille du pâturage* disponible.

Des variations fortes entre exploitations

Malgré tout, si la majorité des vaches sont au pâturage*, de nombreuses disparités de temps et d’espaces pâturés subsistent. Cela dépend en premier lieu de la stratégie des éleveurs : baser l’alimentation sur l’herbe pâturée ou sur le maïs. Ensuite, la disponibilité de l’herbe pâturée dépend des conditions pédoclimatiques : dans certaines régions, les vaches peuvent sortir dès la fin de l’hiver, ou début de printemps, au mois de février-mars, en fonction des conditions climatiques.

Le pâturage* dépend aussi des systèmes d’exploitation : certains ne font que « sortir » les vaches, quand ils ne gardent que peu de prairies accessibles. D’autres vont favoriser le pâturage* la majeure partie de l’année et en ont fait un allié alimentaire. « Il faut faire la distinction entre ceux qui utilisent le pâturage* comme une forme de promenade durant laquelle les vaches complètent un peu leur ration alimentaire, et ceux pour qui le pâturage* est la nourriture principale », confirme David Falaise.

©Observatoire de l’alimentation des vaches laitières françaises

En moyenne en France, l’herbe fraîche représente 19 % de la ration alimentaire des vaches laitières en 2017, selon l’étude du Cniel, mais peut atteindre 29 % de la ration des vaches situées en zone de montagne, qui sont aussi celles avec le plus d’espaces à pâturer. Dans les fermes Civam du Grand Ouest, qui ne sont pas en agriculture biologique, elle constitue en moyenne 52 % de la ration des vaches laitières.

©Observatoire de l’alimentation des vaches laitières françaises

À retenir : Non, le pâturage n’est ni rare, ni réservé à l’agriculture biologique. Plus de neuf vaches laitières sur dix vont au pâturage, mais il y a de fortes disparités entre les différents types d’exploitations, de régions, de climat et de l’espace disponible.

*Définitions
Vache laitière (ou vache à lait) : vache élevée pour le lait qu’elle produit

Pâturer : pour un animal, se nourrir en broutant l’herbe

Pâturage : terrain, notamment prairie, où pâture le bétail

Tourteau : résidu solide obtenu après extraction de l’huile des graines ou des plantes. Ce coproduit est souvent utilisé en alimentation animale

Civam : centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural accompagnent et forment les agriculteurs à l’agroécologie. Ils étudient le pâturage, la réduction des produits phytosanitaires ou encore la rotation des cultures
 
Graminées : famille de plantes constituées d’espèces communément appelées herbes et des céréales.  Les graminées utilisées au pâturage sont des plantes herbacées comme le ray-grass ou la fétuque

Légumineuse : plante dicotylédone dont le fruit est une gousse, exploitée comme légume (pois, haricot), fourrage (trèfle, luzerne), pour l’ornement (acacia) ou pour le bois (palissandre)

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[1] https://web.archive.org/web/20210125193720/https://normandie.chambres-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/Normandie/506_Fichiers-communs/PDF/AB/cc-lait-bio.pdf

[3] https://web.archive.org/web/20210329005218/https://www.fourme-ambert.com/qualite-aop/cahier-des-charges/

[4] https://web.archive.org/web/20201127020051/https://presse.filiere-laitiere.fr/assets/note-dinformation-echanges-entre-linterprofession-laitiere-francaise-les-ong-de-la-protection-animale-signature-dun-consensus-sur-le-bien-etre-des-vaches-laitieres-et-lacces-au-paturage-eeb1-ef05e.html?lang=fr