La grande majorité des truies passent une partie de leur vie en cage

La majorité des truies issues de l’agriculture conventionnelle* passent une partie de leur vie en cage. Une pratique souvent décriée par les associations animalistes. Mais indépendamment des labels comme le bio, de nouvelles techniques se mettent en place et entraînent une diminution du temps qu’elles passent enfermées. Quand et pourquoi les truies sont-elles en cage ? Quelles sont ces nouvelles techniques qui visent à améliorer le bien-être animal ? Explications.

Fondation 30 millions d’amis : « Cette truie vivra plusieurs semaines enfermée dans une cage d’élevage et ne verra la lumière du jour pour la 1ère fois que quelques heures avant sa mort, lors de son transport vers l’abattoir… #EndTheCageAge Stop à la souffrance des animaux, #StopCage. Signez la pétition »

Agribretagne, collectif d’agricultrices et d’agriculteurs bretons : « En élevage de porc, on a souvent la question : pourquoi les truies sont-elles en cage ? Combien de temps restent-elles bloquées ? Pour y répondre, un peu d’histoire s’impose. #Thread à dérouler #agribretagne« 

Il y a trois périodes dans le cycle de vie d’une truie d’élevage : l’insémination, la gestation et la maternité.




Cycle de reproduction de la truie © Ifip

Selon l’Institut du porc (Ifip), les truies élevées en système conventionnel passent :

  • 5 semaines dans une salle verraterie – ce qui correspond à la phase d’insémination plus les quatre premières semaines de gestation
  • 12 semaines dans une salle de gestation
  • 4 à 5 semaines en maternité – en fonction de la durée de lactation*

Durant les périodes de verraterie et de maternité, les truies sont usuellement dans des cages. Cela correspond à un peu moins de la moitié de leur vie d’élevage à partir de leur première insémination (avant cela, elles sont élevées en groupe. Le reste du temps, lors notamment de la gestation ou lorsqu’elles ne sont pas en phase de reproduction, elles sont en case* collective, dans laquelle elles peuvent évoluer plus librement.

Pourquoi utilise-t-on des cages à la maternité ?

Il y a trois raisons :

  1. Parce qu’elles limitent le risque d’écrasement des porcelets par la mère. Selon Valérie Courboulay, ingénieure bien-être animal à l’Ifip interrogée par DecodAgri, les truies allaitantes* ont une tendance à écraser leurs petits qui viennent se frotter contre elle, en particulier quand elles se couchent. En élevage conventionnel*, une truie a en moyenne plus de quatorze porcelets par portée et le risque de perte pas écrasement est important. Ces pertes peuvent être 20 à 40 % plus élevées en l’absence de contention.

  2. Parce qu’elles délimitent un endroit pour la truie et un endroit pour les porcelets. La position de la truie détermine le lieu d’expulsion des porcelets à la naissance. Cela permet à l’éleveur de réchauffer cet endroit grâce à une lampe chauffante, explique encore Valérie Courboulay, qui ajoute : « Il ne faut donc pas regarder uniquement le bien-être de la truie mais aussi celui des porcelets. »

  3. Parce qu’elles assurent la sécurité de l’éleveur lorsqu’il intervient sur les porcelets : castration, soins, coupe de la queue et limage de dents. Une femelle qui vient de mettre bas peut s’avérer très agressive envers l’homme quelques jours durant, relate Valérie Courboulay.

À noter : Ces cages sont situées dans une case de maternité dans laquelle évoluent les porcelets après la naissance. Les truies sont rentrées en contention une semaine avant la mise bas pour qu’elles puissent s’habituer à leur nouveau lieu et aborder la mise bas sans stress.

Voici un exemple d’une cage de maternité :

Truie allongée dans la cage de maternité pendant l’allaitement des porcelets ©Twitter @LaTriquet

Quelle est la différence avec les cases « maternité liberté » ?

Dans le but d’améliorer le bien-être des truies, des cases appelées « maternité liberté » ont été créées. Elles se différencient des systèmes de contantion décrites ci-dessus sur au moins trois points :

  1. On parle de case et non de cage, car la truie n’est plus bloquée en permanence mais accède à l’ensemble de la case. Pour permettre à la truie d’évoluer dans cet environnement, une case maternité liberté est 35 % à 40% plus grande qu’un système standard, ce qui rend possible le retournement de la truie, détaille à DecodAgri Yvonnick Rousselière, ingénieur bâtiment à l’Ifip.

  2. Cette case « maternité liberté » contient également une cage de contention de la truie, qui n’est utilisée qu’à partir de 24 heures avant la mise bas et pendant les trois ou quatre jours qui suivent la naissance des porcelets. Cette période correspond au moment où le risque d’écrasement des porcelets est le plus grand et où l’éleveur intervient sur les petits.

  3. A partir de trois à quatre jours après la mise bas, et jusqu’au sevrage, la truie est en liberté dans cette case.

À noter : La mortalité est accrue de 0,5 porcelet par truie en moyenne avec le système « liberté », rapporte Yannick Ramonet, ingénieur d’étude à la Chambre régionale d’agriculture de Bretagne. Une mortalité qui n’est pas uniformément répartie entre les truies. Certaines gèrent mieux le risque d’écrasement. Certaines sont davantage sujettes à l’écrasement que d’autres. « Cela entraîne donc une stratégie individuelle de la gestion de la contention », ajoute Yannick Ramonet.

Pourquoi les éleveurs n’adoptent-ils pas tous la case « maternité liberté » ?

Si la solution « maternité liberté » est validée techniquement, c’est au niveau financier que le frein se situe. Le changement de système inclut d’une part un investissement important et d’autre part une diminution du nombre de place par salle en cas de rénovation d’un bâtiment, c’est-à-dire une diminution de chiffre d’affaire. La rentabilité est donc à trouver pour les éleveurs.

Selon Yvonnick Rousselière de l’Ifip, il faut compter entre 6 000 et 6 500 euros pour créer une case « maternité liberté ». En effet, le coût d’une case conventionnelle est de 4 500€ puis il faut ajouter 1 500€ à 2 000 euros pour construire les surfaces de bâtiment supplémentaire nécessaires au passage en système liberté. Globalement, l’équipement d’une case liberté coûte un tiers plus cher qu’un système standard, ajoute-t-il. La rentabilité financière de certaines exploitations ne peut pas toujours soutenir un tel investissement, d’autant qu’un bâtiment de maternité s’amortit sur douze à quinze ans.

Il y a bien un investissement de départ supérieur, mais « ramené au porc produit, le surcout est à relativiser », nuance Yannick Ramonet de la Chambre d’agriculture de Bretagne. De plus, les nouveaux systèmes « bien-être » sont éligibles aux aides du volet agricole du plan de relance*.

Comment cela se passe-t-il en phase de verraterie ?

La verraterie est la salle dans laquelle les truies vivent entre la phase de sevrage et 28 jours après l’insémination suivante, soit environ 4 semaines et demie. Dans la majorité des élevages conventionnels, la truie passe ces 28 jours, au maximum, dans des cages. Passé ce délai, elles sont transférées dans des cases collectives pour le reste de leur gestation.

Pourquoi les truies sont-elles maintenues en contention pendant ces 28 jours ? Parce qu’une cage individuelle facilite l’insémination artificielle et limite les pertes d’embryons. Quand les truies sont mises en groupe dans une case, une hiérarchie se met en place entre les truies. Ce phénomène, explique Valérie Courboulay de l’Ifip, consiste en de possibles affrontements pendant 48 heures. Combats qui représentent plusieurs risques :

  • Ils peuvent compromettre la bonne poursuite de la gestation et la survie des embryons si les truies sont exposées à des combats ou à un stress importants pendant phase d’implantation entre 10 et 20 jours de gestation C’est pour cela que nombres d’éleveurs choisissent de garder les truies en logement individuel pendant 28 jours afin de protéger la future progéniture.
  • Ils peuvent compliquer la détection des chaleurs des truies. Les truies réagissent de façon très particulière en présence du verrat* quand elles sont en chaleur. Le système de contention permet de faire passer le verrat devant les femelles, de bien observer leur comportement et donc de pouvoir les inséminer au bon moment. 

  • Ils peuvent altérer le prochain cycle des truies en ne leur permettant pas d’accéder à suffisamment de nourriture. Une truie qui sort de maternité a vécu une fonte musculaire et graisseuse en raison de l’allaitement. Sa remise en état nécessite donc une bonne alimentation, souligne Valérie Courboulay, plus facile à satisfaire quand la truie n’est pas dérangée pendant le repas.
Verraterie classique (en cage) © Twitter @LaTriquet

À noter : Sylviane Boulot ingénieur reproduction à l’Ifip, précise que tous les élevages ne pratiquent pas des contentions aussi longues. En effet, selon les configurations de logement, on peut libérer les truies en dehors de la phase sensible d’implantation, dès le sevrage ou juste après l’insémination, avec peu de risques pour la reproduction.

À l’image de la case « maternité liberté », il existe les cases avec réfectoire autobloquant pour la phase de verraterie. Les truies disposent d’un espace de liberté ainsi qu’un réfectoire en libre d’accès. Quand elles vont se nourrir, la cage se referme et elles ne sont pas gênées par leurs congénères. Par ailleurs, l’éleveur peut fermer le dispositif de contention temporairement pendant l’insémination. Là encore, tout est question de coût et de maîtrise de la reproduction (bagarre pendant l’implantation).

Certains éleveurs qui n’ont pas de réfectoire autobloquant relâchent simplement les truies dans les parcs de gestation dès le sevrage ou juste après l’insémination.

Et en phase de gestation ?

Passé le délai des 28 jours de contention maximum en verraterie, les truies doivent être placées en cases collectives. C’est une obligation qui découle d’un arrêté de 2003 pour une entrée en vigueur pour tous au 1er janvier 2013. Au lieu de rester bloquées pendant toute la période de gestation, soit 16 semaines, elles ne le sont plus que durant 4 semaines.

Qu’en est-il du côté de l’agriculture biologique ?

Selon Laurent Alibert, ingénieur en charge de la production bio au sein de l’Ifip, les truies en élevage bio ne doivent jamais être maintenues en cage. D’ailleurs 60 % des élevages biologiques se font en plein air et laissent donc leurs truies en liberté la majeur partie du temps.

Cependant, pour les élevages biologiques en bâtiment, une tolérance temporaire est accordée à certaines étapes du cycle de reproduction. La contention ne doit pas dépasser sept jours.  Elle est donc possible pendant quelques jours dans les cases de « maternité liberté » pour limiter les risques d’écrasements.



À retenir : Oui, une grande majorité des truies passent une partie de leur vie en cage. Des conditions d’élevage qui ne maximisent pas leur bien-être. En agriculture conventionnelle la contention permet de limiter les problèmes de reproduction et les écrasements de porcelets et apporte un confort de travail à l’éleveur. Mais depuis 2013, l’essentiel de la gestation se fait en case collective. Concernant la maternité, une nouvelle installation, appelée « maternité liberté » arrive sur le marché. Elle est techniquement au point mais son frein est financier et n’apporte pas de plus-value sur le prix de vente des cochons. Par ailleurs, il n’existe aujourd’hui aucune norme concernant les cases maternité liberté et cela freine certaines éleveurs à franchir le pas.

Concernant l’insémination artificielle et le début de la gestation, la mise en contention sécurise la reproduction pendant le 1er mois de gestation. Dans plusieurs pays européens, la tendance est à réduire cette phase de contention.

*Définitions
Lactation : période pendant laquelle la truie produit du lait pour nourrir ses porcelets. Cette période s’entend de la mise-bas au sevrage

Elevage conventionnel : élevage qui ne répond à aucun label particulier (bio, label rouge, plein air…)

Case : espace délimité par des parois et permettant à une ou plusieurs truies de vivre et de se mouvoir

Truie allaitante : truie qui allaite ses petits. Cette dénomination concerne les truies entre la mise-bas et le sevrage

Verrat : porc mâle en âge de se reproduire. Dans les élevages conventionnels, pour des raisons d’amélioration génétique et sanitaires, es truies sont inséminées à partir de semences achetées à l’extérieur. Le verrat ne réalise pas de saillies, mais il est indispensable pour stimuler les comportements de chaleurs et faciliter leur détection. En effet, les truies réagissent différemment à la présence du verrat en fonction de la phase de leur cycle.

Plan de relance : plan initié par le gouvernement pour relancer l’économie à la suite de l’épidémie du Covid-19


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