La grippe aviaire est transmise par les oiseaux sauvages

Le 8 décembre 2021, la députée La France insoumise Bénédicte Taurine affirmait à l’Assemblée nationale que « sur 39 sous-types de grippe aviaire, 37 ont émergé dans des élevages industriels» [1]. Elle en conclut que « ces chiffres contredisent la thèse que les élevages de plein-air représenteraient un risque important dans la propagation de cette maladie ». Est-ce vrai ? Qui est responsable de la transmission de la grippe aviaire ? Est-ce le contact avec la faune sauvage ou le nombre d’oiseaux par élevage ? Décryptage par DecodAgri.

Tweet de la Confédération paysanne archivé le 17/12/21 sur le site internet Wayback Machine 

Confédération paysanne, syndicat agricole : « 8 cas en France > 8 unités industrielles 100 % en bâtiment. Et on veut obliger la claustration des volailles pour les élevages fermiers, on marche sur la tête et on perd la poule »

Tweet de Bénédicte Taurine archivé le 07/12/21 sur le site internet Wayback Machine

Bénédicte Taurine, députée La France insoumise : « Le 26 novembre, un foyer de grippe aviaire a été détecté dans un élevage industriel de 160 000 poules pondeuses à Warhem. La seule réponse du gouvernement aux épidémies : abattage et claustration des animaux. La mort annoncée de l’élevage plein air… »

 

En janvier 2022, près de 200 foyers d’influenza aviaire sont déclarés sur le territoire français [2]. Les symptômes de la grippe aviaire chez les oiseaux diffèrent de ceux de la grippe saisonnière chez les humains.

En plus des symptômes respiratoires, des symptômes nerveux sont constatés, comme des paralysies, des convulsions, et une perte d’équilibre. Raison pour laquelle les professionnels parlent davantage d’influenza aviaire que de grippe aviaire. À l’instar du Covid-19, il y a quelques jours d’écart entre la contamination et l’expression des premiers symptômes.

Les mesures de prévention décidées par le gouvernement [3] prévoient notamment d’enfermer les animaux en bâtiment durant le temps de l’épidémie afin de limiter le contact avec les oiseaux sauvages et ainsi de propager davantage le virus. Mais qui transmet l’influenza aviaire ? Où se situe réellement le danger pour les élevages ?

Introduite par la faune sauvage

Selon Gilles Salvat, directeur général délégué au pôle Recherche et référence de l’Agence nationale sécurité sanitaire alimentaire (Anses) interrogé par DecodAgri, « la première introduction de l’influenza aviaire sur le territoire lorsque le pays est indemne, vient le plus souvent d’un contact direct ou d’un contact indirect avec la faune sauvage ».

  • Contact direct : les oiseaux sauvages peuvent ainsi être en contact direct avec les oiseaux élevés en plein-air et introduire la maladie dans un élevage. Le confinement des animaux, notamment des oiseaux élevés en plein-air, durant la période à risque de novembre à fin janvier, a pour objectif de limiter ce contact direct.

  • Contact indirect : dans les cas des élevages cloisonnés, en bâtiment, il s’agit le plus souvent d’un contact indirect : par exemple, le foyer détecté dans le Nord de 160 000 poules [4] était situé à proximité d’un étang, qui est un écosystème parfait pour les oiseaux sauvages. Il suffit qu’un élément de l’élevage tel que les bottes de l’éleveur, l’eau ou les aliments, ait été en contact avec l’étang pour que l’influenza aviaire soit introduite.

Dans les deux cas, « la première introduction due à la faune sauvage peut tomber sur n’importe quel élevage [plein-air ou bâtiment]. En revanche, la faune sauvage n’est pas responsable des centaines de foyers actuels. On doit travailler pour éviter la propagation de l’influenza », conclut Gilles Salvat.

Propagée par l’humain

Selon l’enquête épidémiologique de la plateforme Epidémiosurveillance santé animale [5], « l’avifaune* et la diffusion aéroportée* semblent jouer un rôle non prépondérant dans l’épisode en cours. » Autrement dit, la faune sauvage introduit la maladie mais ne la diffuse pas par la suite. « En revanche, les mouvements d’animaux, personnes et véhicules internes à la filière de palmipèdes* apparaissent jouer un rôle prépondérant dans la diffusion de l’infection. »

En conséquence, le transport des animaux, des aliments, le passage du vétérinaire et même les allées et venues de l’éleveur peuvent causer des failles de biosécurité. Et cela, que ce soit dans un petit élevage plein-air ou un élevage en bâtiment (cloisonné) de taille plus importante. La biosécurité est au cœur des préoccupations de la filière volaille depuis quelques années mais l’erreur humaine est toujours possible.

Faire évoluer la filière ?

Les canards semblent particulièrement sensibles à l’influenza aviaire. « La densité d’élevages de canards est très élevée dans un même secteur. C’est forcément un facteur d’échanges d’oiseaux, de personnes, de matériels… et plus il y a de contact, plus la diffusion est importante », confirme à DecodAgri Charlotte Dunoyer, directrice scientifique de l’axe transversal santé et bien-être des animaux de l’Anses. 

Il faut ajouter à cela le déplacement des animaux entre des lieux d’élevage, des lieux de gavage et d’abattage, parfois sur de longues distances : « L’un des moyens de lutte serait de circonscrire géographiquement les mouvements en rapprochant ces différents lieux mais c’est un énorme travail de réorganisation de la filière », propose Charlotte Dunoyer. Des conclusions et des propositions qui se retrouvent dans le dernier rapport de l’Anses publié en mai 2021 [6].

À retenir : Oui, la faune sauvage introduit l’influenza aviaire dans un élevage. Mais c’est l’interconnexion des élevages entre eux qui est responsable de sa diffusion. Le confinement des oiseaux, le renforcement des « gestes barrières » et une réorganisation de la filière pourraient en limiter l’impact à long terme selon l’Anses.

*Définitions
Avifaune ou faune aviaire : ensemble des espèces d’oiseaux d’une région donnée
 
Diffusion aéroportée : transmission d’agents pathogènes (virus, bactéries) par voie aérienne. Des petites particules circulent dans l’air via la respiration ou l’éternuement par exemple et peuvent contaminer les individus proches
 
Palmipède : oiseau aux pieds palmés, avec une membrane élastique qui unit les doigts et facilite la nage. Exemple : canard, oie, cygne

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Liens archivés sur le site internet Wayback Machine

[1] https://web.archive.org/web/20220124115153/https://www.facebook.com/TaurineBenedicte/videos/1064579677728060/

[2] https://web.archive.org/web/20220120200825/https://agriculture.gouv.fr/influenza-aviaire-la-situation-en-france

[3] https://web.archive.org/web/20220121091035/https://www.lafranceagricole.fr/actualites/elevage/grippe-aviaire-les-elevages-de-226-communes-vont-etre-depeuples-1,1,4097327285.html

[4] https://web.archive.org/web/20220104182057/https://www.lafranceagricole.fr/actualites/elevage/sante-animale-un-premier-elevage-francais-touche-par-la-grippe-aviaire-1,1,2585980673.html

[5] https://web.archive.org/web/20210516130841/https://www.plateforme-esa.fr/article/influenza-aviaire-hautement-pathogene-en-france-en-lien-avec-le-virus-h5n8-premiers-elements

[6] https://web.archive.org/web/20211117120343/https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2021SA0022.pdf