L’étiquetage de la viande n’est pas fiable

De nombreux internautes partagent sur les réseaux sociaux leur incompréhension, voire leur ras-le-bol, face à certaines étiquettes de viande. Un exemple parmi d’autres : un gigot d’agneau est étiqueté « origine France » alors que l’animal est né, élevé, abattu et découpé en Australie. Si la loi se précise sur la traçabilité des viandes, des manquements persistent. Lesquels ? Comment la viande est-elle tracée et étiquetée en France ?

Tweet du 16 janvier 2021 archivé sur le site internet Wayback Machine 

Tweet du 21 avril 2021 archivé sur le site internet Wayback Machine 

Que dit la loi ?

En France, chaque animal d’élevage est identifié individuellement grâce à un numéro, sous la forme d’un marquage ou d’une boucle en plastique à l’oreille. Ce numéro d’identité permet d’avoir une traçabilité, depuis l’animal jusqu’au produit final.

Concernant la viande bovine fraîche, donc non transformée, ce qui exclut par exemple les plats préparés ou la charcuterie. Depuis le 1er septembre 2000, à la suite du scandale de la vache folle en 1996, l’étiquetage doit inclure au niveau européen « un numéro assurant le lien entre le produit et l’animal, ou le groupe d’animaux dont il est issu ; le numéro d’agrément de l’abattoir et le pays d’abattage ; le numéro d’agrément de l’atelier de découpe et le pays de découpe », liste sur son site internet la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), chargée de réaliser les contrôles [1].


Toujours pour la viande bovine fraîche, depuis le 1er janvier 2002, en France, il est également obligatoire d’afficher le pays de naissance ainsi que le pays d’élevage. Ainsi, dans le cas où l’animal est né, élevé et abattu en France, le produit final peut être étiqueté « origine France ». Mais dans le cas où toutes ces étapes ne sont pas réalisées dans le même pays, chaque élément doit être précisé.

Pour les autres viandes fraîches, telles que la volaille ou le porc, il est obligatoire depuis le 1er avril 2015, au niveau européen, d’indiquer le lieu de provenance, en plus des lieux d’abattage et de découpe [2].

En pratique, pour être certain d’acheter un faux-filet français, il doit donc être stipulé sur le produit « origine France » et l’étiquette doit mentionner :

  • Lieu de naissance : France
  • Lieu d’élevage : France
  • Lieu d’abattage : France

Si ce n’est pas le cas, le faux-filet ne sera pas « origine France » et la provenance d’un autre pays doit être clairement visible. Par exemple :

  • Lieu de naissance : Italie
  • Lieu d’élevage : France
  • Lieu d’abattage : France

Le même principe s’applique pour les autres viandes : volaille, porc, agneau…

Quels sont les manquements qui persistent ?

Si la loi se précise au fur et à mesure des scandales sanitaires et des demandes des consommateurs, reste que des manquements sont constatés. Il s’agit :

  • Des anomalies de traçabilité

En août 2020, la DGCCRF constatait que sur les 2 150 contrôles de traçabilité qu’elle avait menés sur l’année 2018 dans près de 2 000 établissements, le taux d’anomalie s’élevait à plus de à 30 % [3].

Parmi ces anomalies, la DGCCRF pointe les cas de « la francisation » lorsqu’un produit non français, viande ou autres, est étiqueté « origine France ». À titre d’exemple, le gouvernement a récemment félicité la DGCCRF qui a mis à jour des pratiques de francisation concernant plusieurs centaines de tonnes de légumes [4].

  • Des manquements dans les procédures à suivre

Sur le site internet de la DGCCRF, il est ainsi énuméré différents cas où, au sein d’une même enseigne, les procédures ne sont pas appliquées « uniformément » [5] : 

*Les responsables des rayons boucherie ne savent pas analyser les données enregistrées ;

*Il n’existe pas d’autocontrôles des procédures de traçabilité ;

*Ni les mentions d’étiquetage (numéro de lot, numéros d’agrément), ni la cohérence des lots ne sont vérifiées ;

*Les erreurs de saisies lors de l’enregistrement des lots à l’arrivée ou au moment de l’emballage ne sont pas détectées ;

*Les personnels ne sont pas formés. 

Comment y remédier ?

En attendant l’évolution des normes obligatoires d’étiquetage, différentes démarches ont été mises en place pour limiter les manquements de terrain.

Par exemple, le réseau européen Food Fraud a été créé en 2013. Il vise à faciliter la coopération entre les pays lors d’enquêtes sur la traçabilité des produits alimentaires [6].

Du côté des professionnels de la filière, ils ont la possibilité d’ajouter des mentions volontaires sur l’étiquetage de la viande fraîche. Comme la race de viande, sa catégorie, ou encore la zone locale et le département de production. Les labels, comme le Label Rouge, sont également inclus dans ces mentions volontaires.

Des initiatives sont également lancées : le logo « Viande bovine française » apposé sur les produits, assure par exemple dans son cahier des charges une viande « née, élevée, abattue, découpée et transformée en France ». Et ce, autant pour la viande fraîche que pour les produits transformés [7].

Qu’en est-il pour la viande transformée ?

L’affichage obligatoire de l’origine concerne actuellement le produit brut, soit la viande fraîche des rayons boucherie, ou celle vendue en barquettes en libre-service. La législation est différente dans le cas des produits transformés à base de viande, c’est-à-dire quand elle a subi un ou plusieurs processus de transformation, comme par exemple dans les plats préparés.

En 2013, le scandale des lasagnes de Findus à la viande de cheval [8], a fait évoluer la réglementation sur les produits transformés contenant de la viande. Depuis 2016, une expérimentation est ainsi menée en France pour afficher l’origine de la viande utilisée dans les produits transformés lorsqu’il y a plus de 8 % de viande dans le produit [9]. Elle se poursuit jusqu’à fin décembre 2021.

Dans le cas de la restauration, l’affichage de l’origine de la viande bovine transformée est obligatoire depuis 2002 [10]. Elle le sera également pour les autres viandes à partir de 2022.

À retenir : L’étiquetage de la viande est en principe fiable. À la suite des scandales alimentaires comme celui de la vache folle ou de la viande de cheval, la réglementation a évolué afin d’avoir une traçabilité depuis l’animal jusqu’au produit et un affichage clair pour le consommateur. Malgré tout, sur le terrain, certains « trous dans la raquette » restent à combler pour éviter les fraudes et restaurer la confiance du consommateur dans l’achat d’un produit carné.


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Liens archivés sur le site internet Wayback Machine :

[1] https://web.archive.org/web/20210411001731/https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/tracabilite-de-la-viande-bovine

[2] https://web.archive.org/web/20201027230042/https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2013:335:0019:0022:FR:PDF

[3] https://web.archive.org/web/20210115215310/https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/etiquetage-et-tracabilite-des-viandes-bovines-ovines-porcines-et-de-volaille

[4] https://web.archive.org/web/20210705181621/https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=05D68BD3-CB1F-44F1-85EB-B86F7BC8A2ED&filename=1182%20-%20Bruno%20Le%20Maire%20et%20Alain%20Griset%20f%C3%A9licitent%20les%20agents%20de%20la%20DGCCRF%20.pdf

[5] https://web.archive.org/web/20210115215310/https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/etiquetage-et-tracabilite-des-viandes-bovines-ovines-porcines-et-de-volaille

[6] https://web.archive.org/web/20210418144740/https://agriculture.gouv.fr/viandes-et-oeufs-de-france-la-garantie-des-professionnels-de-lorigine-et-de-la-tracabilite

[7] https://web.archive.org/web/20210418144740/https://agriculture.gouv.fr/viandes-et-oeufs-de-france-la-garantie-des-professionnels-de-lorigine-et-de-la-tracabilite

[8] https://web.archive.org/web/20191115195222/https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/pur-boeuf-au-gout-cheval-retour-sur-fraude-denvergure

[9] https://web.archive.org/web/20210928143937/https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000033053008/

[10] https://web.archive.org/web/20210928155021/https://www.lafranceagricole.fr/l-actu-de-la-semaine/restauration-collective-lorigine-des-viandes-amentionner-en-2022-1,1,412949293.html